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Niger : comment réussir la libéralisation du secteur de l’électricité ?

NIGELEC Niamey

[afrikipresse]  –   En dépit des immenses potentialités énergétiques du Niger en charbon minéral, pétrole, soleil, uranium et de potentialités hydroélectriques sur le fleuve Niger, les Nigériens ont un faible accès à l’électricité. Ainsi, le taux de couverture en électricité est de 22,7% et le taux d’accès des ménages est de 9,53%. Et quand bien même les privilégies ont accès à l’électricité, ils doivent subir la cherté des tarifs et les délestages intempestifs.

Notons en plus que, le pays est très dépendant de l’offre extérieure d’électricité car plus de 60% de la consommation d’électricité au Niger sont importés, principalement du Nigeria. Cette situation est la conséquence de plus d’un demi-siècle de monopole public marqué par des scandales de détournements de fonds de la NIGELEC. Face à un tel constat, la libéralisation est incontournable, mais quels en sont les préalables?

Après plus de cinq décennies de monopole public, le gouvernement nigérien a décidé de libéraliser le secteur de l’électricité. En effet, réuni en conseil de ministre le 16 septembre 2016, le gouvernement a élaboré des projets de décrets pour encadrer la libéralisation du secteur de l’électricité. La libéralisation est une nécessité car elle permettra de développer l’offre pour démocratiser l’accès à l’électricité à des tarifs moins chers. Ainsi, le gouvernement n’aura pas besoin de fixer le tarif de l’électricité à un niveau artificiellement bas sans lien avec la réalité de l’offre et de la demande d’électricité. La libéralisation permettra aussi d’assainir la gouvernance du secteur grâce à la transparence et la discipline du marché (moins d’opacité pour détourner les fonds publics). La situation de monopole a conduit à des abus dans la gestion de l’électricité au Niger. A ce propos, l’ancien directeur de la NIGELEC a été incarcéré en 2013 pour malversation et détournement des ressources de la NIGELEC.

Le principe qui soutient ce type de réforme est d’offrir aux consommateurs la liberté de choix de leurs prestataires. La finalité étant la sauvegarde du pouvoir d’achat des ménages nigériens, l’amélioration de leurs conditions de vie, l’augmentation de la compétitivité et la productivité des entreprises. Ce sont des enjeux majeurs lorsque l’on sait que, selon les statistiques de la BCEAO, en 2014 le prix de l’électricité a augmenté de 4,1%  et les dépenses d’électricité font partie des dépenses qui contribuent le plus à l’évolution de l’inflation au Niger.

La libéralisation du secteur de l’électricité est donc une nécessité, mais elle ne donnera tous ses bienfaits que si certaines conditions sont respectées. D’abord, il est besoin de la consolidation de l’état de droit (justice indépendante et efficace) pour sécuriser juridiquement les transactions. L’institution d’un cahier de charges clair et rigoureux, des appels d’offre concurrentiels, la suppression des contrats de gré à gré, la garantie de l’exécution des contrats et le règlement rapide des conflits commerciaux sont indispensables pour inspirer confiance aux investisseurs et les inciter à placer leurs capitaux dans le secteur. Parallèlement, il est besoin d’améliorer l’environnement des affaires pour réduire les coûts et les risques d’investissements qui restent encore trop élevés et rédhibitoires. En témoigne le classement alarmant du Niger dans le rapport Doing Business 2016 mesurant la facilité des affaires, puisque le pays est classé 160ième sur 189 pays.
L’instauration de la bonne gouvernance et la transparence est un préalable pour éviter de remplacer un monopole étatique par un monopole ou un oligopole privé. Dans une telle situation les entreprises pourraient en effet profiter de leur position dominante pour dicter leur loi aux consommateurs dans la mesure où elles se partagent le marché en l’absence de toute menace concurrentielle crédible.
Par ailleurs, il pourrait exister des pratiques d’ententes entre les fournisseurs d’électricité sur les tarifs par exemple. Par conséquent, il faudrait mettre en place un cadre institutionnel pour faire respecter la libre concurrence et la libre entrée et sortie. Cela passe par l’institution de lois qui condamnent et sanctionnent les ententes implicites sur les prix et les pratiques anti-concurrentielles, les abus de position dominante, et mettre en place un conseil de concurrence pour juger et sanctionner ces violations. Bref, la concurrence doit être, d’une part, le garde-fou pour protéger les consommateurs contre les abus des entreprises dominantes, et d’autre part, un moyen au service d’une plus grande transparence du marché.

En ce qui concerne la fiabilité de l’approvisionnement en électricité, la transparence des tarifs et prix de l’électricité, le Niger n’est pas un bon élève. En effet, sur une échelle allant de 0 à 8, le rapport doing business 2016 attribue un score égal à zéro (0) au Niger. Donc la liberté des prix est indispensable pour la réussite de la libéralisation car sans liberté de fixation de prix par les producteurs, il n’y aura pas d’incitation suffisante pour produire, investir et innover. Malheureusement, l’un des projets de décret est le contrôle administratif des prix. Cette disposition doit être levée car sans liberté des prix, l’offre ne sera pas améliorée, tout simplement en l’absence d’incitation aux producteurs pour investir.

En somme, sans un cadre institutionnel garantissant la liberté de prix, de concurrence, et l’égalité des chances économiques, la libéralisation ne pourra remédier à la précarité énergétique au Niger. Le non respect de ces préalables explique pourquoi des initiatives antérieures du gouvernement nigérien pour la privatisation de la NIGELEC au milieu des années 1990 se sont soldées par un échec. Dès lors, le gouvernement nigérien est tenu d’en tirer les enseignements pour ne pas répéter les mêmes erreurs du passé. L’exemple du Nigéria est à suivre, puisque grâce à la libéralisation du secteur depuis 2013, on note une sacrée progression dans la fourniture d’électricité grâce à l’amélioration de l’investissement privé dans le secteur.

KRAMO Germain, analyste pour Libre Afrique.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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