Campagne agricole 2017 au Niger : interview du Directeur Général de l’Agriculture Dr Garba Yahaya
«A la date du 10 juillet 2017, 95% des villages agricoles
ont semé contre 91% en 2016 »
Monsieur le Directeur Général, cette année, la campagne agricole a débuté précocement dans plusieurs localités de notre pays. Comment se présente de façon globale la situation de cette campagne ?
Effectivement, la campagne a connu un démarrage précoce cette année. Les premières pluies utiles ont été enregistrées au cours de la 3ème décade d’avril dans plusieurs localités. Dès la 2ème décade de mai, 18% des 12 384 villages agricoles ont semé contre 6% à la même date l’année précédente. En effet, cet écart important de taux de semis par rapport à l’année précédente, marque la précocité de la présente campagne. Cette situation est en conformité avec les résultats du 4ème Forum des prévisions saisonnières agro-hydro-climatiques pour la zone soudano-sahélienne (PRESASS) qui s’est tenu du 15 au 19 mai 2017 à Accra au Ghana. Ces résultats prévoient des dates de début de saison précoce dans toute la bande agricole du Niger, le nord du Nigeria et le Centre du Tchad. Des séquences sèches sont également prévues en début de saison.
De manière globale, la saison s’installe bien dans l’ensemble de la bande agricole. Au 10 juillet 2017, 95% des villages agricoles ont semé contre 91% en 2016. Les stades phénologiques dominants sont la levée avancée et la montaison pour le mil, de la levée à la montaison pour le sorgho, de la levée à la ramification pour le niébé et de la levée à la croissance pour les arachides.
Quelques séquences sèches avec pertes de semis ont été relevées dans plusieurs villages de Soucoucoutane, Malbaza, Tchintabaraden et Tillia.
La période de la campagne agricole est un moment très important dans la vie des paysans, car elle constitue un temps pendant lequel ils cherchent à la sueur de leur front la subsistance annuelle. Qu’est-ce qui a été mis en place par l’Etat notamment en termes de matériels agricoles pour accompagner nos braves paysans ?
Il est important de rappeler l’objectif global de l’axe 2 de l’I3N qui est la promotion des filières agro-sylvio-pastorales et halieutiques. L’accroissement des productions est l’un des objectifs de ces programmes stratégiques. Conformément à l’Acte 2 du Programme de la Renaissance, il est prévu d’accroitre les productions sous pluie et atteindre la valeur cible de 6 500 000 tonnes de céréales en 2017.
Pour atteindre cet objectif et contribuer à éradiquer la faim au Niger d’ici 2021, le Gouvernement, avec l’appui des partenaires au développement, a mobilisé d’importants moyens pour accompagner les efforts des producteurs ruraux pour cette campagne.
Il s’agit globalement de la mise des semences de variétés améliorées, des pesticides, des engrais minéraux, motoculteurs, des unités de matériels à traction animale, des motopompes et des moulins à grains pour alléger le travail des femmes.
Les actions d’encadrement, d’appui conseil et de formation des producteurs sont assurées aussi bien par le niveau national que déconcentré à travers les directions régionales de l’agriculture qui renferment plusieurs services dont le service en charge de la vulgarisation, le service en charge de la protection des végétaux, le service en charge des statistiques agricoles, le service en charge de l’action coopérative et des organismes ruraux, le service en charge du contrôle et de la certification des semences, etc.
On sait que dans certaines régions du pays, la campagne agricole est un moment de conflit récurrent entre agriculteurs et entre agriculteurs et éleveurs : quelles sont les dispositions prises à l’échelle étatique pour minimiser les risques éventuels ?
Par rapport aux dispositions prises à l’échelle étatique pour minimiser les conflits entre agriculteurs et éleveurs, il faut dire que, depuis 1993, le Niger s’est doté d’un outil appelé Code Rural à travers les Principes d’Orientation du Code Rural (Ordonnance 93-015 du 2 mars 1993) dont une des missions principales est la prévention des conflits entre agriculteurs et éleveurs notamment ceux qui surviennent pendant l’hivernage. En effet, l’ordonnance 2010-029 relative au pastoralisme a institué un système de fermeture des champs à l’installation de l’hivernage et des semis et un système d’ouverture de champs après les récoltes dans l’optique d’une intégration réelle entre l’élevage et l’agriculture, une intégration dont vous connaissez tous les avantages.
Maintenant comment fonctionne ce système ? Cette fermeture et ouverture des champs est fixée par un arrêté du Gouverneur, sur rapport de la Commission foncière régionale du Code Rural après avis des Commissions foncières départementales et communales et des organisations de pasteurs et d’agriculteurs. Elle s’inscrit dans le cadre des prérogatives de pouvoir de police rurale que la loi confère aux autorités administratives ; par conséquent, il s’agit là d’un domaine de bonne gouvernance qui constitue pour les autorités actuelles un axe important d’actions en cours.
Egalement à chaque début de campagne, l’Etat et ses partenaires financent des missions d’information et sensibilisation des populations sur les dispositions du code rural notamment sur cette question de fermeture et d’ouverture des champs et la coexistence pacifique entre les producteurs ruraux. Dans ce cadre, plusieurs missions d’information et de sensibilisation sont organisées par les structures du code rural, les chefs coutumiers, les autorités administratives et municipales à travers des appuis de l’Etat, les collectivités et les Partenaires Techniques et Financiers. Pour élargir les cibles de cette sensibilisation, des messages radios ont été conçus et retransmis sur les ondes des médias (ORTN, radios privées, radios communautaires).
Aussi, chaque année, pendant la campagne agricole, les Commissions Foncières organisent de façon périodique les missions de contrôle de mise en valeur. Il s’agit de vérifier que les ressources naturelles sont effectivement mises en valeur, que la vocation des espaces est respectée (par exemple pas de cultures dans les enclaves pastorales, les couloirs de passage…) et que la ressource est exploitée de manière durable. Si elle constate des situations susceptibles de créer des conflits, elle informe les autorités titulaires du pouvoir de police rurale pour disposition à prendre.
La période de la campagne agricole est également un moment propice à l’éclosion des ennemis de culture : quelles sont les zones à risque ? Est-ce qu’au stade actuel, il y a des zones où la présence des invasions acridiennes a été signalée ? Si oui, quel est le niveau des préparatifs de la riposte au ministère de l’Agriculture?
Chaque campagne agricole est assujettie à des attaques de plusieurs types d’ennemis de cultures et ce du stade de la levée jusqu’à la grenaison. En ce début de campagne, ce sont essentiellement des attaques mineures de chenilles défoliatrices, de sauteriaux, de vers de collet et de cicadelle qui ont été enregistrées et maitrisées par les services de la direction générale de la protection des végétaux.
En ce qui concerne les invasions acridiennes, le niveau d’alerte est calme. D’importantes quantités de pesticides et d’équipements d’intervention sont mis en place dans l’ensemble des régions dont plus de 78. 000 litres de pesticides, plus de 500 pulvérisateurs et plusieurs actions de renforcement de capacités.
Tout le monde est unanime sur le fait que la campagne précédente n’a pas répondu aux attentes des agriculteurs et éleveurs dans certaines localités du pays. Un important déficit fourrager a été d’ailleurs relevé par les services en charge de l’évaluation des pâturages au sortir de cette campagne. Du coup, cette situation a engendré une insécurité alimentaire et une crise pastorale : quelles sont les informations dont vous disposez par rapport à l’accompagnement des paysans et éleveurs pendant cette période de soudure ?
Dès le mois d’avril, la situation alimentaire était préoccupante à cause surtout de la rétention des stocks qui a engendré la flambée des prix de céréales. La prompte réaction du Gouvernement avec la distribution gratuite et la vente à prix d’importants tonnages de vivres a permis de mettre fin à cette hausse de prix des céréales de première nécessité. D’autres actions comme le cash transfert et le cash for work ont fortement contribué à atténuer la crise alimentaire dans les zones vulnérables. Actuellement, on assiste à une légère baisse de prix des céréales sur l’ensemble du territoire national.
Pour atténuer les effets du déficit fourrager, le ministère a vite élaboré et mis en œuvre un plan de réponse au déficit fourrager. Ce plan a consisté à la sensibilisation des éleveurs pour une meilleure gestion des ressources pastorales, à la réalisation des bandes pare feux pour la protection des pâturages des zones pourvues de pâturages, à la réalisation et/ou à la réhabilitation des points d’eau dans les zones pourvues de pâturages, à la valorisation des résidus des cultures et des fourrages grossiers et à la promotion des cultures fourragères dans les zones favorables.
Au cours de la période de soudure, le Gouvernement a intensifié la mise en place d’aliments bétail. C’est ainsi que des milliers de tonnes d’aliments pour bétail sont mis en place et vendues à prix modéré aux éleveurs vulnérables.
Interview réalisée par Hassane Daouda (ONEP)