Allocution du Président Issoufou Mahamadou du Niger au XVIIème sommet de la francophonie, Erevan en Arménie, le 11 Octobre 2018
Monsieur le Président de la Conférence,
M. Nikol Pachinian, Premier Ministre de l’Arménie Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement, Madame la Secrétaire Générale de la Francophonie,
Monsieur le Président de la Commission de l’Union Africaine, Monsieur le Secrétaire Général des Nations Unies,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais exprimer mes remerciements au Gouvernement arménien, qui a bien voulu accueillir les présentes assises du Sommet de la Francophonie, et pour toutes les dispositions qui ont été prises pour faciliter le séjour de ma délégation ici à Erevan. Je tiens en particulier à féliciter les responsables de cette ville si légendaire d’Erevan, pour la parfaite organisation de notre rencontre.
Je voudrais également féliciter Madame Michaelle Jean et son équipe du Secrétariat de l’Organisation Internationale de la Francophonie, pour la coordination efficace et la bonne préparation de cette XVIIème édition de notre instance. Le Niger, berceau de la Francophonie, a toujours porté à cœur et activement contribué à l’évolution et à la transformation institutionnelle et qualitative de notre organisation commune, dont la présence sur les cinq continents en fait aujourd’hui la deuxième organisation intergouvernementale universelle après les Nations Unies.
Le Niger s’associe aux hommages que l’Arménie, la France et le monde entier ont rendu à feu Charles Aznavour, enfant à la fois de la France et de l’Arménie, et monument de la chanson, qui a tant apporté à l’art et à la culture, à travers son immense œuvre, accumulée pendant sa très longue carrière. Grand Ambassadeur de la langue Française, Charles Aznavour devait se produire ici, devant nous, dans cette salle. Et nous attendions, tous, ce moment magique de communion et de partage, qu’il avait le pouvoir de créer en chantant l’amour, la paix et la culture. Sa disparition est une perte immense pour la France, pour l’Arménie, pour le monde de la culture, pour le monde tout court.
MESDAMES ET MESSIEURS LES CHEFS D’ETAT ET DE GOUVERNEMENT,
‘’Vivre ensemble dans la solidarité, le partage des valeurs humanistes et le respect de la diversité : source de paix et de prospérité pour l’espace francophone’’, thème de notre Sommet, appréhende opportunément les préoccupations et les besoins essentiels des pays membres et, au-delà, ceux de la communauté internationale dans son ensemble.
Ce thème est pour moi l’occasion d’évoquer cinq défis qui sont ceux de mon pays, ceux des pays du Sahel et de beaucoup de nos Etats membres : Le défi sécuritaire, le défi migratoire, le défi démographique, le défi climatique et le multilatéralisme.
MESDAMES ET MESSIEURS
Il ne peut avoir de prospérité dans l’espace francophone sans paix ni sécurité. Or certains de nos Etats membres sont confrontés aux menaces terroristes et à celles des organisations criminelles. C’est le cas des Etats du Bassin du Lac Tchad et de ceux du Sahel. Ces Etats ont besoin de la solidarité de la communauté Internationale en général et de la communauté francophone en particulier. Le G5 Sahel a mis, en place une Force Conjointe qu’il souhaite voir placer sous le Chapitre 7 de la Charte des Nations Unies. Nous souhaitons également qu’elle ait une source de financement prévisible et pérenne. La communauté Internationale, responsable de la situation créée en Libye ne doit pas se désintéresser de la situation du Sahel qui en est une des conséquences. C’est ici le lieu de souligner la solidarité constante de la France vis-à-vis des peuples du Sahel.
Sans les opérations Serval, puis Barkhane lancées par la France, la situation sécuritaire du Sahel serait pire qu’elle ne l’est aujourd’hui. Je salue donc la détermination avec laquelle le Président Macron se tient à nos côtés. Je salue son soutien non seulement dans le combat sécuritaire mais aussi dans celui, inséparable, du développement économique et social, à travers notamment le lancement de l’initiative Alliance Sahel.
MESDAMES ET MESSIEURS
Notre deuxième défi est celui de la migration clandestine. Migration clandestine et terrorisme ont au moins une cause commune : la pauvreté.
La communauté Francophone doit se mobiliser pour contribuer à mettre fin au drame auquel nous assistons avec notamment tous ces morts dans le désert et en méditerranée. La mise en œuvre de l’agenda 2063 de l’Union Africaine, en particulier de la Zone de Libre Echange Continentale, des plans du développement des infrastructures, de l’agriculture et de l’industrie en Afrique sont les bases d’une solution à ce problème.
L’Afrique restera un réservoir de migration clandestine aussi longtemps qu’elle continuera à être un simple réservoir de matières premières. L’industrialisation du Continent est donc un impératif incontournable. D’avantage d’investissements directs des pays francophones développés pourra y contribuer.
Le troisième défi est celui de la démographie.
Le taux de croissance démographique qu’enregistrent certains Etats annihilent tous leurs efforts de développement économique et social. Notre communauté doit soutenir les efforts des pays qui souhaitent réaliser leur transition démographique à travers le développement des secteurs sociaux de base : l’éducation notamment celle de la jeune fille et la santé notamment celle de la reproduction.
S’agissant de l’éducation, permettez-moi d’insister sur celle de la jeune fille: lui garantir le droit à l’alphabet, la maintenir à l’école au moins jusqu’à l’âge de 16 ans est au centre de nos préoccupations. Cela nous permettra de mettre fin aux mariages et aux grossesses précoces. Pour avoir vu les conditions de vie des jeunes filles victimes de la fistule obstétricale, je comprends ces mots de Victor Hugo : « Qui n’a vu que la misère de l’homme n’a rien vu, il faut voir la misère de la femme ; qui n’a vu que la misère de la femme n’a rien vu, il faut voir la misère de l’enfant. »
C’est dire que le Niger souscrit pleinement aux engagements contenus dans la Stratégie de la Francophonie pour la promotion de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes et l’autonomisation des femmes et des filles. Aussi, est-il indispensable que nous accordions la priorité qu’il faut aux besoins de la jeunesse, dont le poids démographique, notamment en Afrique, influe de façon décisive sur les politiques publiques. Cette jeunesse est l’atout de l’Afrique dans la compétition pour l’économie de la production qui caractérise le monde aujourd’hui. Le Niger, qui se réjouit des initiatives déjà existantes, est convaincu que nous devrions intensifier les efforts pour réaliser les ambitions que nous avons pour la jeunesse.
Le défi climatique constitue une autre de nos préoccupations. Nous avons en particulier accueilli avec ferveur la tenue de la Cop 21 et la signature l’Accord de Paris qui constituent une avancée dans la volonté de la communauté internationale de prendre en charge la question du changement climatique de façon inclusive et durable. Par la suite, la Cop 22 de Marrakech a confirmé cet élan, en particulier pour les pays africains, qui se sont résolument engagés à travailler à mettre en œuvre les engagements convenus au niveau international, avec la création de trois commissions climat pour les diverses sous-régions du continent. Le Niger qui assure la Présidence en Exercice de la Commission dédiée au Sahel est d’ailleurs à pied d’œuvre dans l’exécution du mandat qui lui a été confié, et accueillera en novembre prochain, un sommet des Chefs d’Etat et des partenaires au développement, dans le cadre de l’opérationnalisation des programmes convenus.
Le Niger invite par conséquent les pays membres de la famille francophone à serrer les rangs pour la promotion et la mise en œuvre effective de l’Accord de Paris et des arrangements subséquents, car ils constituent un instrument irremplaçable de multilatéralisme et de réalisation du développement inclusif et durable. Nous devons gérer note planète avec responsabilité. Phaéton, par sa maladresse dans la conduite du char solaire a failli embraser l’univers. Evitons de suivre son exemple.
MESDAMES ET MESSIEURS
Le cinquième défi est celui du multilatéralisme. Seule la refondation du multilatéralisme nous permettra de faire face de manière solidaire aux quatre défis que je viens d’évoquer. En effet, le multilatéralisme, tel qu’il a été institué dans le cadre des Nations
Unis traverse une crise majeure avec la remise en cause de ses principes fondamentaux par certains Etats et non des moindres. Des accords ayant fait l’unanimité tels que l’accord de Paris sur le Climat, l’accord sur le nucléaire Iranien, l’accord sur le libre- échange dans le cadre de l’OMC sont dénoncés ou remis en cause. Les pays de l’espace francophone ne doivent pas observer et subir de manière passive ce phénomène. C’est peut être une occasion à saisir pour une véritable refondation de la gouvernance politique et économique mondiale. Nous l’avions toujours dit, la gouvernance politique et économique mondiale actuelle, n’est ni juste, ni équitable, ni démocratique.
La nécessité pour la communauté internationale d’un monde multilatéral et multipolaire, porteur d’une mondialisation profitable à tous, doit nous inciter à contribuer de façon solidaire aux initiatives régionales et mondiales de promotion du développement durable et de lutte contre le changement climatique.
C’est le lieu de montrer notre solidarité au nom des valeurs partagées pour la prospérité et la paix.