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Diffa : laboratoire d’expérimentations : constat de l’association Maison de la vie et de l’espoir.

La région de Diffa, située au sud-est du Niger, est l’une des régions la moins fournie en termes d’infrastructures sociales de base. L’aridité du climat affecte considérablement le vécu  des populations de  la  zone. Celles-ci s’adonnent principalement  à l’exploitation des terres agricoles, à la pêche et  à l’élevage, notamment le long de la Komadougou Yobé.      

Depuis 2013, la région de Diffa, est particulièrement affectée par les violences attribuées à Boko Haram. Elle compte 150 000 réfugiés nigérians auxquels il faut ajouter près de 100 000 déplacés internes, selon les chiffres des organismes onusiens.  La région comprend également des cellules dormantes qui se finançaient et se ravitaillaient grâce au poisson fumé. Or depuis février 2015, la pêche y est tout simplement interdite. Le problème est similaire pour le commerce du poivron, et des marchés ont été fermés.

Cette situation constitue  un manque à gagner  énorme pour Diffa. Avant  la  détérioration du climat sécuritaire, le commerce  du  poisson  génèrent  environs  20 milliards  de francs CFA  de  revenus annuels. Cet état de fait a créé une crise humanitaire sans précèdent dans la région de Diffa, c’est ainsi que de 2013 à 2017 le nombre des Organisations Nationales et Internationales, des Associations, est passé de moins dix (-10) à plus de cinquante-neuf (59) officiellement enregistrées sans compter les individus qui indépendamment et des organisations non installées qui agissent ponctuellement, Il faut ajouter la forte présence des forces armées Nationales et internationales.

Malgré la centaine des projets exécutés ou en cours  par les organisations humanitaires et autres  la situation demeure dans le statut-quo avec malheureusement une forte concentration des interventions dans quelques communes de la Région de Diffa. La présence des projets et programmes  développement  est sans nul doute un gain pour les habitants de  la zone. Cependant, leur concentration dans une infime partie du territoire régionale est  mal perçue   par  certaines  communautés. Le sentiment  dominant chez ces communautés est celui d’être abandonné et marginalisé.

Ici,  l’approche par laquelle les communautés sont traitées et le manque de contrôle par les autorités politiques et administratives soulèvent bien d’interrogations :   

Qui fait exactement quoi ?  Sur quel groupe ? Et comment le fait-il ?

Dans la région de Diffa nous assistons à l’émergence des autoproclamés expert qui exercent sans le contrôle des organes régulateur de l’équilibre sociale. Cette approche est certainement  préjudiciable aux  communautés. Le cas  des personnes malades laissées aux sorts des guérisseurs traditionnels est assez révélateur du mal être dans la zone. Le malade passera de guérisseur à guérisseur, suivra toute forme de traitement avec toutes sortes de tisane, potions, exercices spirituels, fétichistes et inévitablement il sera exposé à un ou aux trois cas suivants :

  • Soit les traitements vont provoquer des réactions qui lui seront fatal et mortel dans un cours délai ;
  • Soit son organisme arrive à supporter les traitements pendant une bonne période et à la longue, l’organisme lâche et il succombera de surdosage ;
  • Soit après une longue tentative de traitement, les guérisseurs échouent et le malade est transféré dans un centre de santé, mais succombera peu de temps après parce que les Médecins n’auront pas le temps et les moyens nécessaires pour bien diagnostiquer le malade et proposer une prise en charge appropriée. Trop tard, le mal est consommé.

Ceci est à titre  illustratif  les risques auxquels  les habitants de Diffa seront exposés si le Gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires pour mettre de l’ordre dans la façon dont les interventions sont faites dans la région. Il y a un semblant de coordination mais qui n’empêche pas aux acteurs d’intervenir en désordre, et ce, au détriment des populations.

L’Etat du Niger et ses Partenaires ne viennent pas avec des mauvaises volontés mais leurs intervention mal coordonnées conduiront à coup sûr à d’autres formes de conflits ou activeront  les conflits latents (les conflits intercommunautaires existant bien avant l’avènement de Boko Haram).

Voyons la situation de Diffa sous un autre angle pour mieux illustrer  le danger qu’une bonne action puisse  conduire à la catastrophe.
Il y a eu une action superbe qui devait faire le bonheur des communautés de Diffa dans les années 80/90 mais elle était devenue une malédiction et le pire problème des communautés de Diffa.

Quelle était cette action ? Il s’agit  de l’introduction du prosopis SP pour stopper l’avancé des dunes de sables.

Cette action aux fils du temps est devenue incontrôlable, elle a exposé les communautés à un déplacement  forcé des zones d’habitations et plus grave encore,  cette plante était à la base des pertes en vies humaines des civils et de nos forces des défenses et sécurités avec cette crise sécuritaire consécutive aux attaques répétées de la secte Boko Haram. Cette action à l’origine salutaire était plus concentrée le long de Komadougou. Aujourd’hui c’est l’ennemi qui tire profit de cette action car la forêt qui en est issue échappe au contrôle des forces de défense et  de sécurité. L’ennemi abrite derrière  les prosopis et harcelle  continuellement les communautés et les forces loyalistes.  

Voyons ensemble avec un peu de recul:

  • Est-ce que les Ingénieurs agronomes qui étaient porteurs de l’idée n’étaient pas intelligents? nous pensons qu’ils l’étaient mais certainement que les gens avaient en son temps pensé que c’était une affaire d’agronome, qui doivent trouver la solution comme on pensait entre autre que Boko Haram était une affaire du Nigeria.
  • Est-ce que dans d’autres pays ou régions l’effet n’était pas positif ? nous pensons que ça avait bien marché ailleurs et c’était pour cela que nos Ingénieurs avaient tenté l’expérience.
  • Est-ce qu’ils étaient soutenus dans l’idée pour le choix du type de Prosopis sp et dans la validation des terrains ? nous pensons non.
  • Est-ce que les terrains ne présentaient pas de similitude ? nous dirons oui puisque le terrain parait identique.
  • Est-ce que les autorités et communautés n’étaient pas contentes au départ de l’initiative ? nous pensons qu’ils avaient même fêté l’évènement.

 Si nous voulons rectifier le tir faisons alors un feedback et remontons les pentes avec prudence. Le Prosopis sp est une plante,  elle bouge mais à petits pas. Mais maintenant nous avons affaires à des humains, à des pensées idéologiques et radicales qui peuvent aller aux pas de géant.

Avec ces deux illustrations, la gestion de cette crise sécuritaire et humanitaire est pensée selon un modèle importé qui est loin de s’ajuster aux réalités des communautés puisque le Nigeria berceau de Boko Haram, avait lamentablement échoué au départ dans la recherche de solution parce que tout simplement certains acteurs clés sont écartés de la dynamique et   en tentant une intégration forcée des ex combattant de la secte entre 2003 et 2004 parmi lesquels , beaucoup étaient revenus sous les allégations suivantes : « nous nous sommes repentis, ce n’est pas une bonne cause »,  alors que parmi eux, on comptait des PHD, des détenteurs Masters et Licences qui avaient même organisé des séances pour brûler leur diplômes. Les Cheicks Djahara et Albani avaient tirés la sonnette d’alarme et prévenus  les  décideurs,  mais en vain. 2013 -2014, les mêmes repentis étaient parmi les têtes pensantes dans la mise en place de l’intelligence et la stratégie des opérations conduite par Boko Haram.

  • Quelle est notre assurance concernant les réelles motivations des ex combattants avec cette approche d’amnistier et d’intégration en cours dans la région de Diffa ?
  • Qui sont-ils ?  Ils viennent de quel front ?

Si nous partons sur  la base que depuis 2015, Boko Haram connait une crise de leadership avec l’arrivée massive des groupes extrémistes dans leur dynamique de contrôle régional ainsi que le relâchement manifeste dans la lutte contre Boko Haram avec d’une part l’inquiétude grandissante sur la capacité du président Buhari à diriger le Nigeria et le désintéressement du Tchad due à la crise économique qui limite ses moyens actions ceci se manifeste par un regain de confiance du côté des combattants du Boko Haram.

La série des questions peut être longue nous finissons par la suivante :
A quel moment allons-nous tous mettre à profit nos aptitudes d’apprentissage des leçons de nos erreurs pour consolider la paix, la stabilité et prévenir l’extrémisme violent, la radicalisation et le terrorisme?
Malheureusement les autorités et les acteurs se lancent sur des bases fragiles et sans aucune préparation dans un processus d’amnistie et réintégration des « ex combattants de Boko Haram» dont l’appartenance à cette secte de ces individus reste à vérifier.

Quelle vision pour l’avenir Diffa et du Niger dans les 10 à 15 ans à venir ? (en prenant en compte les dimensions de développement socio-économique, et de coexistence pacifique)
Quelle empreinte souhaiterions-nous laisser ?
A qui toute cette mobilisation et engouement au tour de diffa profite ? Nous ne pensons pas pouvoir dire que cela profite aux communautés, car l’effet est très éphémère.

A travers cet exposé sur la situation actuelle de Diffa devenu un laboratoire d’expérimentations, l’association « MAISON DE LA VIE ET DE L’ESPOIR/LUTTE ANTI DROGUE » tient à interpeller les plus hautes autorités du Niger et ses partenaires à coordonner le mode d’intervention en faveur de la pérennisation des actions menées pour le bien des communautés.

© Abdoulaye Harouna , Issa M. Madougou 
Association MVE/LAD

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